Extrait du livre de JF Simonin « Esquisse d’une stratégie de l’espérance« , sept. 2023
Aujourd’hui, les mythes les plus puissants parlent de transhumain, de réalité modifiée, c’est-à-dire d’une ingéniosité humaine prétendument illimitée, déconnectée des équilibres du vivant, sur la base d’une compétition entre humains maximisant la recherche de puissance et de prospérité, la loi du plus fort – ou parlent de cataclysmes inévitables, toute bifurcation étant supposée impossible. Ces mythes sont profondément toxiques, ils contraignent la pensée du possible dans le cadre des impasses du présent. Et ils entretiennent un climat de défiance et de rapports conflictuels inhibant les capacités d’entraide entre humains, et avec le non humain.
En fait, l’idée selon laquelle le progrès des sciences et des techniques ne pouvait que déboucher sur une amélioration des conditions de vie, a vécu. Les instruments technologiques qui étaient censés accroître notre maîtrise du monde et du vivant débouchent au contraire sur une perte de cette maîtrise. Comprenant que l’assurance de conditions de vie en amélioration est terminée, les démocraties libérales auront le choix entre deux orientations stratégiques : le sauve-qui-peut pour préserver certaines valeurs, libertés, ressources, et droits humains, au moins pour les minorités au pouvoir ; une stratégie de l’espérance délibérément orientée vers le débat public autour des enjeux de transformation et de régénération des milieux de vie. Cette seconde option, combinant ultraréalisme quant au diagnostic des possibles et utopisme méthodologique, implique un surcroît de conscience collective quant aux marges de manœuvre de l’humanité pour la préservation de ses conditions de vie. Elle implique une refonte des relations que l’humanité entretient avec elle-même, avec le vivant et avec la Terre. Aussi utopique puisse-t-elle paraître, il se pourrait que cette stratégie de l’espérance représente l’option la plus crédible sur les plans biogéophysique, culturel et politique – je veux dire celle qui représenterait la plus forte probabilité de maintenir des conditions d’une vie humaine satisfaisante sur Terre.
JF Simonin, Septembre 2023